Voltaire a Rousseau, lettera del 30 agosto 1755, a
ringraziamento per l' invio del Discours sur l'origine et les
fondements de l'inégalité parmi les hommes.
"Signore, ho ricevuto il vostro nuovo libro contro il
genere umano e ve ne ringrazio. Piacerete agli uomini cui dite le verità che li
riguardano, senza peraltro correggerli. Vi rappresentate con colori molto
persuasivi gli orrori della società umana, la cui ignoranza e debolezza si
ripromettono tante delizie. Nessuno ha mai impiegato tanto ingegno per farci
diventare bestie. A leggere il vostro libro, viene voglia di andare a quattro
zampe. Ma avendone sfortunatamente persa l' abitudine da più di sessant' anni,
mi è impossibile riprenderla ora, e lascio questa andatura naturale a coloro
che ne sono più degni di voi e di me. Non posso nemmeno imbarcarmi per andare a
visitare i selvaggi del Canada, prima di tutto perché i malanni ai quali sono
condannato rendono indispensabile un medico europeo; e poi perché la guerra è
già arrivata in quei paesi e l'esempio delle nostre nazioni ha reso i selvaggi
quasi malvagi quanto noi; mi limito ad essere un selvaggio pacifico nella
solitudine che mi sono scelto nella vostra patria, dove anche voi dovreste
essere. Devo ammettere con voi che le belle lettere e le scienze hanno talvolta
causato il male in grande misura". La lettera continua sullo stesso tono
di feroce ironia.
«J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre
humain; je vous en remercie; vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs
vérités, et vous ne les corrigerez pas. Vous peignez avec des couleurs bien
vraies les horreurs de la société humaine dont l'ignorance et la faiblesse se
promettent tant de douceurs. On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous
rendre Bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre
ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu
l'habitude, je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre. Et
je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes, que vous et
moi. Je ne peux non plus m'embarquer pour aller trouver les sauvages du Canada,
premièrement parce que les maladies auxquelles je suis condamné me rendent un
médecin d'Europe nécessaire, secondement parce que la guerre est portée dans ce
pays-là, et que les exemples de nos nations ont rendu les sauvages presque
aussi méchants que nous. Je me borne à être un sauvage paisible dans la
solitude que j'ai choisie auprès de votre patrie où vous devriez être. J'avoue
avec vous que les belles lettres, et les sciences ont causé quelquefois
beaucoup de mal....» (Aux Délices, près de Genève, 30 août 1755).
Rousseau, il più serio e malinconico uomo della Terra, non
se n' accorge o finge di non accorgersene. E dieci giorni dopo, risponde
devotamente: "Tocca a me, Signore, ringraziarvi sotto ogni riguardo.
Offrendovi l' abbozzo delle mie tristi fantasie, non ho certo pensato di farvi
un dono degno di voi, ma di adempiere a un dovere e rendervi quell' omaggio che
noi tutti vi dobbiamo come al nostro capo". La risposta continua per tre
lunghe pagine.
«Spetta a me, Signore, ringraziarvi sotto ogni aspetto.
Nell'offrirvi l'abbozzo delle mie tristi fantasticherie, non ho creduto di
farvi un regalo degno di voi, ma di compiere un dovere e rendervi un omaggio
che tutti dobbiamo come al nostro capo. [...] Il gusto per le scienze e le arti
nasce in un popolo da un vizio interiore che esso accentua, e se è vero che
ogni progresso umano è pernicioso alla specie, quello della mente e della
conoscenza, che gonfia il nostro orgoglio e moltiplica i nostri errori, presto
accelera le nostre sventure: ma viene un tempo in cui il male è tale che le
stesse cause che lo hanno generato sono necessarie per impedirgli di
accentuarsi: è come il ferro che bisogna lasciare nella ferita nel timore che
la persona ferita strappandolo muoia. Quanto a me, se avessi seguito la mia
prima vocazione e non avessi né letto né scritto, sarei stato senza dubbio più
felice. Ma se le lettere adesso venissero distrutte, sarei privato dell'unico
piacere che mi resta: è nel loro seno che mi consolo di tutti i mali; è tra i
loro figli illustri che gusto la dolcezza dell'amicizia, che imparo a godere
della vita e a disprezzare la morte; Devo loro quel poco che sono, devo loro
anche l'onore di essere da voi conosciuto..."
«C'est à moi, Monsieur, de vous remercier à tous égards.
En vous offrant l'ébauche de mes tristes rêveries, je n'ai point cru vous faire
un présent digne de vous, mais m'acquitter d'un devoir et vous rendre un
hommage que nous devons tous comme à notre chef. [...] Le goût des
sciences et des arts naît chez un peuple d'un vice intérieur qu'il augmente
bientôt à son tour, et s'il est vrai que tous les progrès humains sont
pernicieux à l'espèce, ceux de l'esprit et des connaissances, qui augmentent notre
orgueil et multiplient nos égarements, accélèrent bientôt nos malheurs : mais
il vient un temps où le mal est tel que les causes mêmes qui l'ont fait naître
sont nécessaires pour l'empêcher d'augmenter : c'est le fer qu'il faut laisser
dans la plaie, de peur que le blessé n'expire en l'arrachant.
Quant à moi, si j'avais suivi ma première vocation et que je n'eusse ni lu ni
écrit, j'en aurais sans doute été plus heureux. Cependant, si les lettres
étaient maintenant anéanties, je serais privé de l'unique plaisir qui me reste
: c'est dans leur sein que je me console de tous les maux ; c'est parmi leurs
illustres enfants que je goûte les douceurs de l'amitié, que j'apprends à jouir
de la vie et à mépriser la mort ; je leur dois le peu que je suis, je leur dois
même l'honneur d'être connu de vous...» (Paris, le 10 septembre
1755).
C’est à moi, monsieur, de vous remercier à tous égards. En
vous offrant l’ébauche de mes tristes rêveries, je n’ai point cru vous faire un
présent digne de vous, mais m’acquitter d’un devoir et vous rendre un hommage
que nous vous devons tous comme à notre chef. Sensible, d’ailleurs, à l’honneur
que vous faites à ma patrie, je partage la reconnaissance de mes
concitoyens ; et j’espère qu’elle ne fera qu’augmenter encore, lorsqu’ils
auront profité des instructions que vous pouvez leur donner. Embellissez l’asile
que vous avez choisi ; éclairez un peuple digne de vos leçons ; et
vous, qui savez si bien peindre les vertus et la liberté, apprenez-nous à les
chérir dans nos murs comme dans vos écrits. Tout ce qui vous approche doit
apprendre de vous le chemin de la gloire.
Vous voyez que je n’aspire pas à nous rétablir dans notre
bêtise, quoique je regrette beaucoup, pour ma part, le peu que j’en ai perdu. À
votre égard, monsieur, ce retour serait un miracle si grand à la fois, et si
nuisible, qu’il n’appartiendrait qu’à Dieu de le faire, et qu’au diable de le
vouloir. Ne tentez donc pas de retomber à quatre pattes ; personne au
monde n’y réussirait moins que vous. Vous nous redressez trop bien sur nos deux
pieds, pour cesser de vous tenir sur les vôtres.
Je conviens de toutes les disgrâces qui poursuivent les
hommes célèbres dans les lettres; je conviens même de tous les maux attachés à
l’humanité, et qui semblent indépendants de nos vaines connaissances. Les
hommes ont ouvert sur eux-mêmes tant de sources de misères que, quand le hasard
en détourne quelqu’une, ils n’en sont guère moins inondés. D’ailleurs il y a
dans le progrès des choses, des liaisons cachées que le vulgaire n’aperçoit
pas, mais qui n’échapperont point à l’œil du sage quand il y voudra réfléchir.
Ce n’est ni Térence, ni Cicéron, ni Virgile, ni Sénèque, ni Tacite ; ce ne
sont ni les savants ni les poëtes qui ont produit les malheurs de Rome et les
crimes des Romains ; mais sans le poison lent et secret qui corrompit peu
à peu le plus vigoureux gouvernement dont l’histoire ait fait mention, Cicéron,
ni Lucrèce, ni Salluste, n’eussent point existé, ou n’eussent point écrit. Le
siècle aimable de Lélius et de Térence amenait de loin le siècle brillant
d’Auguste et d’Horace, et enfin les siècles horribles de Sénèque et de Néron,
de Domitien et de Martial. Le goût des lettres et des arts naît chez un peuple
d’un vice intérieur qu’il augmente ; et s’il est vrai que tous les
progrès humains sont pernicieux à l’espèce, ceux de l’esprit et des
connaissances qui augmentent notre orgueil et multiplient nos égarements
accélèrent bientôt nos malheurs. Mais il vient un temps où le mal est tel que
les causes mêmes qui l’ont fait naître sont nécessaires pour l’empêcher
d’augmenter ; c’est le fer qu’il faut laisser dans la plaie, de peur que
le blessé n’expire en l’arrachant.
Quant à moi, si j’avais suivi ma première vocation, et que
je n’eusse ni lu ni écrit, j’en aurais sans doute été plus heureux. Cependant,
si les lettres étaient maintenant anéanties, je serais privé du seul plaisir
qui me reste. C’est dans leur sein que je me console de tous mes maux ;
c’est parmi ceux qui les cultivent que je goûte les douceurs de l’amitié, et
que j’apprends à jouir de la vie sans craindre la mort. Je leur dois le peu que
je suis : je leur dois même l’honneur d’être connu de vous. Mais consultons
l’intérêt dans nos affaires, et la vérité dans nos écrits. Quoiqu’il faille des
philosophes, des historiens, des savants, pour éclairer le monde et conduire
ses aveugles habitants, si le sage Memnon m’a dit vrai, je ne connais rien de
si fou qu’un peuple de sages.
Convenez-en, monsieur, s’il est bon que les grands génies
instruisent les hommes, il faut que le vulgaire reçoive leurs
instructions ; si chacun se mêle d’en donner, qui les voudra
recevoir ? « Les boiteux, dit Montaigne, sont mal propres aux
exercices du corps ; et aux exercices de l’esprit, les âmes
boiteuses. » Mais, en ce siècle savant, on ne voit que boiteux vouloir
apprendre à marcher aux autres.
Le peuple reçoit les écrits des sages pour les juger, non
pour s’instruire. Jamais on ne vit tant de Dandins : le théâtre en
fourmille, les cafés retentissent de leurs sentences, ils les affichent dans
les journaux, les quais sont couverts de leurs écrits ; et j’entends
critiquer l’Orphelin, parce qu’on l’applaudit, à tel grimaud si peu
capable d’en voir les défauts qu’à peine en sent-il les beautés. Recherchons la
première source des désordres de la société, nous trouverons que tous les maux
des hommes leur viennent de l’erreur bien plus que de l’ignorance, et que ce
que nous ne savons point nous nuit beaucoup moins que ce que nous croyons
savoir. Or quel plus sûr moyen de courir d’erreurs en erreurs, que la fureur de
savoir tout ? Si l’on n’eût prétendu savoir que la terre ne tournait pas, on
n’eût point puni Galilée pour avoir dit qu’elle tournait. Si les seuls
philosophes en eussent réclamé le titre, l’Encyclopédie n’eût point
eu de persécuteurs. Si cent mirmidons n’aspiraient à la gloire, vous jouiriez
en paix de la vôtre, ou du moins vous n’auriez que des rivaux dignes de vous.
Ne soyez donc pas surpris de sentir quelques épines
inséparables des fleurs qui couronnent les grands talents. Les injures de vos
ennemis sont les acclamations satiriques qui suivent le cortège des
triomphateurs : c’est l’empressement du public pour tous vos écrits qui
produit les vols dont vous vous plaignez ; mais les falsifications n’y
sont pas faciles, car le fer ni le plomb ne s’allient pas avec l’or.
Permettez-moi de vous le dire, par l’intérêt que je prends à votre repos et à
notre instruction ; méprisez de vaines clameurs par lesquelles on cherche
moins à vous faire du mal qu’à vous détourner de bien faire. Plus on vous
critiquera, plus vous devez vous faire admirer. Un bon livre est une terrible
réponse à des injures imprimées ; et qui vous oserait attribuer des écrits
que vous n’aurez point faits, tant que vous n’en ferez que d’inimitables ?
Je suis sensible à votre invitation ; et si cet hiver
me laisse en état d’aller, au printemps, habiter ma patrie, j’y profiterai de
vos bontés. Mais j’aimerais mieux boire de l’eau de votre fontaine que du lait
de vos vaches ; et quant aux herbes de votre verger, je crains bien de n’y
en trouver d’autres que le lotos, qui n’est pas la pâture des bêtes, et le
moly, qui empêche les hommes de le devenir.
Je suis de tout mon cœur et avec respect, etc.
Testi ripresi da[VF1] l
blog Belfagor di Giovanni Carpinelli
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